Depuis sa mise sur pied, PhiLab se veut un lieu de recherche partenariale, de partage d’informations et de mobilisation des connaissances sur la philanthropie subventionnaire. Le contenu du présent communiqué représente le point de vue de I’auteur et de son organisation. Nous le partageons et vous invitons à réagir pour alimenter le débat.
Montréal, 12 avril 2019
Fondation subventionnaire[1], Béati soutient depuis près de 30 ans des initiatives porteuses de justice sociale, qui promeuvent la liberté, la dignité, l’égalité de droits et soutiennent le pouvoir d’agir des personnes particulièrement marginalisées.
En tant que Fondation dont la mission est de contribuer à construire un monde plus juste et plus solidaire, nous nous sentons interpellés par le projet de Loi 21 sur la laïcité de l’État. Cette Loi propose notamment d’interdire le port de signes religieux pour les agent.e.s de l’État en position d’autorité, mais aussi pour pour d’autres employé.e.s de l’État notamment les directions d’institution scolaire et les enseignant.e.s au sein des écoles publiques.
Déjà plusieurs organisations ont montré leur dissidence face à ce projet de loi. En effet, se sont positionnés le Centre Justice et Foi, la Fédération des femmes du Québec, le Regroupement des centres de femmes du Québec, le RQ-ACA, la Ligue des droits et libertés, La Commission des droits de la personne, la Table de concertation contre le racisme systémique, la CSN, le Conseil régional FTQ Montréal Métropolitain, l’Association des juristes progressistes, la FNEEQ, la Fédération autonome de l’enseignement, Amnistie internationale Canada, Droits Diversité Dialogue, Commission scolaire anglophone de Montréal, Commission scolaire Lester B Pearson, l’Association des municipalités de banlieue, qui regroupe quatorze villes liées de la région montréalaise, la Fondation Paroles de femmes, le Diocèse Anglican de Montréal ainsi que l’Association des Musulmans et des Arabes pour la laïcité au Québec.
La Fondation Béati souhaite joindre sa voix à ces organisations qui, dans les derniers jours, ont exprimé leurs inquiétudes quant aux répercussions que le projet de loi sur la laïcité aura sur la société québécoise. La Fondation Béati se reconnaît particulièrement dans la position mise de l’avant par le Regroupement québécois en action communautaire automne (RQ-ACA). Comme le soulignait, Caroline Toupin, coordonnatrice du RQ-ACA, dans un communiqué publié le 29 mars 2019 : « C’est un enjeu de justice sociale puisqu’il vise à limiter ou réduire des droits fondamentaux de personnes marginalisées ». De l’avis de la Ligue des droits et libertés, « …ce projet de loi crée du profilage religieux–particulièrement envers les femmes musulmanes – et va à l’encontre de la Charte des droits et libertés ».
La Fondation Béati partage l’analyse du RQ-ACA : « …il s’agit également d’un enjeu féministe de première importance puisque les principales personnes visées sont des femmes, entre autres les enseignantes musulmanes voilées et celles qui désirent faire carrière en enseignement et en droit. Selon la Fédération des femmes du Québec, l’État doit respecter “…l’autonomie et le droit des femmes de s’habiller comme elles veulent sans devoir se justifier auprès de quiconque”. D’autant plus que ce projet de loi vise des femmes déjà marginalisées et risque de banaliser et même d’augmenter la violence qu’elles subissent déjà. D’ailleurs, l’R des centres de femmes « insiste sur les conséquences inévitables de ce projet de loi sur la sécurité des femmes portant le voile et, plus largement, sur la sécurité des femmes musulmanes ou perçues comme telles ».
Pour la Fondation Béati, le projet de Loi 21 ne permet pas de tourner la page sur la question de la laïcité. Ainsi, il ne peut se substituer à une conversation collective, sereine et approfondie à ce sujet. La Fondation Béati souhaite que le gouvernement retire ce projet de loi et prenne le temps d’écouter les acteurs de la société civile afin de construire ensemble un monde plus juste et plus solidaire où les droits de toutes et tous seront respectés et où le vivre ensemble sera au cœur des préoccupations.
[1] La Fondation Béati souhaite par son engagement philanthropique contribuer à bâtir une société « solidaire, inclusive, démocratique, pluraliste, ouverte aux aspirations spirituelles et fondée sur le bien commun; une société où le leadership citoyen est mis de l’avant et où la spiritualité devient un vecteur de changement. »
La Fondation Béati a soutenu à travers les années au-delà de 700 initiatives (plus de quatorze millions de dollars en dons).
Pour information : Jacques Bordeleau,450-651-8444/jbordeleau@fondationbeati.org
La prise de position de la Fondation Béati, sur le projet de Loi no21 sur la laïcité de l’État, se situe au cœur d’un projet politique commun qu’il reste à définir : celui de sociétés politiques fondées sur le principe d’une « laïcité ouverte ». Cette perspective demanderait au législateur de penser de façon assouplie le rapport à établir entre « statut d’état civil laïc » et « statut d’état privé religieux ». Penser ce rapport représente aussi un défi de taille pour l’espace religieux. D’un côté, ce rapport implique une pleine reconnaissance du sens et de l’importance à donner à ce que laïcité signifie en matière de gestion démocratique de l’espace public. D’un autre côté, ce rapport doit reconnaître la pertinence du sacré comme élément participant à la définition d’éthicités individuelles ou collectives. Le respect de cette double obligation est requis pour assurer une mise en relation équilibrée entre les deux types de statut. Le projet de Loi no21 représente une avancée en ce sens, mais il ne peut à lui seul clore le débat ni faire reposer la solution sur un projet incomplet. Collectivement, il nous reste à finaliser les portées et les limites des frontières à établir entre des logiques d’action qui ont fondamentalement des prétentions hégémoniques.
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[1]La Fondation Béati souhaite par son engagement philanthropique contribuer à bâtir une société « solidaire, inclusive, démocratique, pluraliste, ouverte aux aspirations spirituelles et fondée sur le bien commun; une société où le leadership citoyen est mis de l’avant et où la spiritualité devient un vecteur de changement. »