Entrevue avec Claude Pinard, Directeur exécutif de la Fondation Mirella et Lino Saputo

Par Jennifer Fils-Aimé , Étudiante
05 novembre 2020

Entrevue avec Claude Pinard

Claude Pinard SaputoClaude Pinard est Directeur exécutif de la Fondation Mirella et Lino Saputo, une fondation familiale privée basée à Montréal. La Fondation se consacre à un meilleur exercice social et économique des personnes handicapées des personnes âgées et des personnes issues de l’immigration . Au cours des 30 dernières années, Claude a perfectionné ses compétences en communication, relations publiques, philanthropie, marketing et gestion du sport professionnel dans les secteurs privé et public. Il est actuellement président du conseil d’administration de la Maison de l’innovation sociale au Québec et est membre du conseil d’administration de Fondations philanthropiques Canada et du Conseil mondial de la Social Innovation Exchange (SIX), basé à Londres, en Angleterre. Il est également membre du comité consultatif de l’Initiative Impact Canada.

Entrevue par Jennifer Fils-Aimé, étudiante du PhiLab Québec

Jennifer Fils-Aimé (JFA): Pouvez-vous nous décrire un peu ce que vous faites pour la cause des personnes handicapées et des personnes âgées?

Claude Pinard (CP) : Nous voyons grand pour les personnes âgées et les personnes handicapées. Nous avons développé plusieurs initiatives et essayons des nouvelles formules qui contribuent à pousser la réflexion et à encourager la collaboration entre les acteurs philanthropiques. Nous travaillons dans une perspective de changement sociétal. À travers nos efforts, nous cherchons des solutions d’envergure afin de soutenir le milieu en nous concentrant sur l’autonomie, la durée, l’innovation et la collaboration. Nous offrons du soutien financier tout en restant proche des projets, de façon à ajuster le soutien pour obtenir les résultats souhaités par les groupes que nous soutenons.

JFA : Pourquoi, selon vous, cette cause est-elle sous-exposée aujourd’hui au Québec?

CP : Un très faible pourcentage de l’argent dédié à la philanthropie est consacré aux causes liées aux personnes âgées et aux personnes handicapées. Ces deux populations ne réussissent pas à intéresser les fondations subventionnaires. Et ce, malgré le fait qu’elles interviennent pour d’autres populations ou enjeux sur des dimensions similaires : l’accès aux services, la discrimination, la recherche d’équité, l’abus, l’isolement, etc. Par ailleurs, un phénomène de mode est aussi présent dans le monde de la philanthropie. Les tendances sociales ou certains événements de grande ampleur, entres autres, attirent plus l’attention que d’autres. Malgré les drames que les personnes âgées et les personnes handicapées vivent, ces communautés mobilisent moins de sympathie et d’intérêt que d’autres causes de la part du grand public.

JFA : Comment procédez-vous pour remédier à cette situation?

CP : Nous travaillons avec les organismes communautaires qui oeuvrent dans ces secteurs et le gouvernement et nous misons sur la collaboration avec d’autres fondations subventionnaires qui œuvrent dans le même secteur que nous ou sur les mêmes types de projets. Ces alliances nous permettent d’élargir notre réseau et d’apprendre des différents acteurs qui évoluent dans notre milieu. Nous croyons que la société civile doit être au cœur des solutions pour résoudre les enjeux auxquels nous sommes confrontés et nous agissons de concert avec nos partenaires pour faire de la société civile un acteur clé dans les changements à apporter. Nous sommes présents sur la scène publique et nous travaillons en étroite collaboration avec des réseaux de recherche, tels que le PhiLab. Nous tenons actuellement des tables rondes virtuelles pour échanger avec les membres de l’écosystème de la philanthropie et des personnes âgées afin de mieux cerner les défis et trouver des solutions collectives.

JFA : Quelles sont vos approches pour connecter avec les donataires actuels et les donataires potentiels?

CP : Avant la pandémie, nous allions beaucoup à la rencontre des personnes lors des événements, nous étions présents sur de nombreux comités de travail pour repérer des donataires potentiels. Nous réalisons maintenant que nous devons procéder autrement. En général, nous favorisons des prises de contact à partir de conversations franches afin d’établir une relation de confiance et de générer des relations durables. Instaurer une relation de confiance est très important. Par ailleurs, il faut savoir que, souvent, les donataires viennent à nous parce que nous avons été référés par d’autres organismes ou par d’autres fondations.

Nos donataires actuels-es sont audacieux-ses. Ils connaissent le milieu dans lequel ils travaillent, la population à desservir, ses besoins et ses enjeux. Ces personnes sont prêtes à faire autrement avec de nouvelles approches et un cadre différent. Nous souhaitons qu’elles ne se retrouvent jamais dans une position où elles se sentiraient en compétition entre elles. Nous travaillons ensemble à implanter un climat de confiance par l’ouverture, la disponibilité et la sincérité. Évidemment, nous avons les mêmes attentes de la part de nos partenaires.

JFA : Quel-s impact-s a eu la COVID-19 sur votre fondation? Sur la cause? Comment envisagez-vous le futur?

CP : La COVID-19 a eu peu d’impacts sur notre équipe. Comme elle est très petite, il nous a été relativement facile de s’ajuster au télétravail. Toutefois, le volume de travail a grandement augmenté. Les appels et les rencontres avec les représentants-es des milieux approchés sont beaucoup plus nombreux.

Nous avons développé une relation encore plus serrée avec nos donataires. Nous sommes constamment en liaison avec eux pour nous assurer qu’ils ont la capacité d’affronter les défis actuels. Avec nos partenaires, nous sommes encore plus flexibles qu’avant concernant notre soutien financier, les échéances préalablement identifiées ou encore les ajustements apportés dans les projets. Nous nous adaptons tous ensemble.

De nombreux organismes pour personnes âgées ont cessé leurs activités, et ce, malgré une augmentation des besoins. Les derniers mois ont eu un effet d’accélérateur pour certains organismes, lesquels réfléchissaient déjà à leur avenir. Concernant les personnes handicapées, cette période a révélé l’importance des milieux de vie au grand public. C’est également le cas avec les personnes âgées.

Nous envisageons un futur sous l’angle de la progression. Pour le secteur des personnes âgées, il y a beaucoup à rebâtir. Il faudra trouver de nouveaux partenaires et faire en sorte que ces personnes reçoivent les services dont elles ont besoin. Cette étape est déjà enclenchée. Pour ce qui est des personnes handicapées , nous voyons un momentum s’installer, pas seulement au Québec, mais aussi au Canada. Par exemple, le récent discours du trône au fédéral abordait clairement la question de la pauvreté des personnes handicapées. Ce groupe de personnes a été oublié dans les premières réponses gouvernementales à la COVID-19. Maintenant, cette population attire l’attention des décideurs. C’est encourageant. Au-delà des programmes existants, il faut pousser la réflexion vers la législation. Nous participons actuellement à la création d’un forum national de discussion afin de faire avancer cette importante cause.

JFA: Merci Claude Pinard.


Cette entrevue avec Claude Pinard de la Fondation Mirella et Lino Saputo a été fait dans le cadre du dossier spécial du PhiLab ‘Les Causes Invisibles de la philanthropie’. Nous vous encourageons fortement à partager votre réaction à cette entrevue afin d’alimenter le débat. Vous pouvez nous écrire au philab@uqam.ca .