Entrevue avec Katherine Westoll, Théâtre Geordie, et Emilie Champoux, Théâtre le Clou
Entrevue menée par Wendy Reid, Professeure honoraire, HEC Montréal, membre du PhiLab Québec
Introduction
Le marketing relationnel est le concept à la base de la philanthropie de proximité dans les arts. Les spectateurs et les visiteurs qui se transforment en abonnés et en membres entretiennent une relation à long terme avec une compagnie de théâtre, une compagnie de danse, un cirque, un orchestre symphonique, ou un musée. Ces personnes se passionnent pour les expériences artistiques qu’elles vivent, et la proximité physique et émotionnelle fait évoluer leur relation avec l’organisation. C’est dans cette dynamique relationnelle de proximité que s’inscrit la philanthropie culturelle, et la proximité physique et émotionnelle est marquée par la passion pour l’art (Reid, 2020; Lee et collab., 2022; Johnson & Ellis, 2011).
Cependant, les compagnies professionnelles de théâtre jeune public ne s’inscrivent pas au même titre dans une dynamique relationnelle avec leurs spectateurs, puisqu’elles visent un public bien distinct : les jeunes, qui n’ont pas les ressources nécessaires pour répondre à des demandes de philanthropie. Le plus souvent, leurs parents ne sont pas non plus engagés dans le processus, surtout lorsque les spectacles sont présentés en contexte scolaire. Le cas échéant, il devient difficile d’appliquer une stratégie de philanthropie de proximité.
Théâtre Geordie :
We have been trying to figure out what we can give the kids to bring home to say: ‘I saw a Geordie play today’ and have their parents ask them about it. And we have not found the thing that works… we see so many kids in Montreal, and those kids would ideally come to the theatre as well with their family, but their families don’t know about it. […] this is really, really hard. It just doesn’t work.
Dans le milieu des théâtres jeune publique, seules les organisations disposant d’une salle de spectacle sont en mesure d’adopter une approche semblable à celle des compagnies de théâtre institutionnelles, soit d’avoir recours à un système d’abonnements qui mène à des dons. Selon l’étude de Reid (2020), une saison de production pendant laquelle la proximité avec le public connu est mise en avant constitue un environnement favorable pour alimenter la philanthropie. Cependant, même en salle, puisque le public des compagnies de théâtre jeune public se compose majoritairement d’enfants ou d’adolescents, cela réduit considérablement la probabilité d’attirer de grands nombres de donateurs individuels.
À cet égard, nous avons consulté deux directrices générales du milieu du théâtre jeune public. Kathryn Westoll, directrice exécutive du Théâtre Geordie (une compagnie anglophone fondée en 1980 au Québec), et Emilie Champoux, directrice générale du Théâtre Le Clou (une compagnie francophone fondée en 1989 au Québec), nous ont fait part des manières dont leur organisation respective a fait évoluer la philanthropie. Elles nous ont fait découvrir des manières originales de favoriser une approche de philanthropie de proximité unique dans leur contexte.
Nous avons observé des thématiques parallèles entre les deux organisations. À la section suivante, nous vous présentons ces thématiques et, dans les sections subséquentes, nous définissons chaque thématique et enrichissons les idées qu’elle renferme au moyen de citations des intervenantes.
Thématiques
L’élaboration de stratégies en matière de philanthropie
Le modèle d’affaires
Les stratégies de communication actuelles
Les dons issus de relations de proximité
Synthèse
L’élaboration de stratégies en matière de philanthropie
En 1989, cinq artistes nouvellement diplômés se sont rassemblés pour fonder le Théâtre Le Clou. Chacune de ces personnes a apporté son expertise et ses talents précis au projet, et ce, sans subvention gouvernementale : l’équipe a plutôt fait le choix de s’orienter directement vers des entreprises afin de toucher des fonds privés de financement. Cette initiative a été avantageuse pour l’organisation, et certaines entreprises ont même continué d’apporter leur soutien au Clou pendant plusieurs années. En outre, dans un esprit de professionnalisation de ses processus de gouvernance, l’organisation a ouvert son conseil d’administration à des administrateurs de l’extérieur. Par l’intermédiaire de leurs contacts dans le milieu des affaires, ces personnes ont réussi à obtenir des dons supplémentaires d’entreprises. Finalement, le roulement occasionnel des membres du conseil d’administration permet une variation des sources de soutien financier pour l’organisation.
Théâtre Le Clou :
Puis, souvent, c’est parce qu’on a aussi quelqu’un au conseil d’administration qui nous fait le lien avec le département des dons, puis qu’on réussit à avoir un interlocuteur de l’autre côté.
Visionnaire à l’esprit entrepreneurial, Elsa Bolam a fondé le Théâtre Geordie en 1980. À la manière de ses consœurs et de ses confrères du Clou, elle n’était pas gênée de demander de l’argent. En effet, à cette fin, elle écrivait souvent et régulièrement des lettres à des fondations. Certains de ces contacts dans le milieu versent encore des dons à la compagnie aujourd’hui. C’est particulièrement le cas d’organisations comme Jarislowsky. Tout comme son histoire, la mission du Théâtre est particulièrement attrayante :
Théâtre Geordie :
Elsa Bolam had an unbelievable ability of just making friends with people. Some of these relationships continue today […] she would just write letters. […] If they needed a van, she would write a letter to every foundation that she could think of asking them to support that project. […] she was not shy to ask.
Chacune des deux compagnies de théâtre s’est donné un statut d’organisme de bienfaisance dès sa fondation. Comme leur mission est centrée sur les jeunes et sur une « éducation en théâtre », l’Agence du Revenu du Canada (ARC) était ouverte à leur candidature. Au Canada et au Québec, la majorité des compagnies de théâtre jeune public ont acquis un statut d’organisme de bienfaisance tôt dans leur histoire. Ainsi, la philanthropie a toujours joué un rôle important pour ces compagnies, dont l’approche entrepreneuriale soutient profondément le domaine des arts.
Le modèle d’affaires
Les compagnies de théâtre jeune public puisent généralement dans deux ou trois modèles d’affaires : elles présentent des pièces devant les jeunes accompagnés de leurs enseignants dans les écoles, elles invitent les jeunes à assister en groupe à des pièces directement au théâtre, ou elles font les deux. Il y a également des jeunes qui se rendent au théâtre en dehors du contexte scolaire, à des fins de divertissement, en compagnie de leurs parents ou de leurs grands-parents; le cas échéant, les compagnies ciblent plutôt les adultes accompagnateurs afin d’obtenir des dons.
Parfois, les organisations disposent de leur propre salle de spectacle, où elles peuvent présenter leurs productions originales ainsi que celles d’autres compagnies. C’est le cas du Théâtre Denise‑Pelletier à Montréal, et du Young People’s Theatre à Toronto. La Maison Théâtre de Montréal, pour sa part, est une organisation qui diffuse seulement les productions des compagnies membres; elle ne produit pas d’œuvres originales. Au Québec, la majorité des compagnies de théâtre mettent sur pied des tournées en vue de présenter des spectacles dans les écoles ou sur scène à l’échelle de la province.
Pour ce qui est des organisations que nous examinons dans le cadre de la présente publication, le Théâtre Geordie organise principalement des spectacles dans des écoles, et il met sur pied des tournées partout au Québec. Il arrive également que la compagnie présente des œuvres sur de grandes scènes. Parmi les compagnies de théâtre jeune public anglophones au Canada, c’est celle-ci qui diffuse le plus grand nombre de pièces à l’intention des jeunes dans les écoles. De son côté, le Théâtre Le Clou organise des tournées au Québec, ailleurs au Canada ainsi qu’en France.
Les deux organisations mettent sur pied leurs propres productions. Les directeurs artistiques (DA) se chargent souvent de la mise en scène; sinon, les compagnies engagent des metteurs en scène, d’autres créateurs ainsi que des comédiens pour chaque nouvelle réalisation. Puisque ni l’un ni l’autre de ces théâtres ne bénéficie de budgets considérables, leur équipe embauche souvent de jeunes professionnels qui se trouvent en début de carrière dans un esprit d’apprentissage collaboratif. Finalement, il arrive souvent que les DA des compagnies de théâtre aient un œil pour le talent : ils savent reconnaître les acteurs et les actrices qui se verront couronner de succès plus tard dans leur carrière.
Théâtre Le Clou :
On engage beaucoup des comédiens qui sortent des écoles. Nos DA ont un flair incroyable pour embaucher des comédiens qui, après ça, ont une trajectoire assez impressionnante. Pour ces comédiens, ce sont les premières tournées, les premières expériences. […] Donc ce sont des relations de proximité.
Les stratégies de communication actuelles
Avant d’aborder les stratégies de proximité que les théâtres Geordie et Le Clou adoptent avec les individus, penchons-nous sur l’approche de chaque organisation relativement à la communication avec des institutions comme des fondations ou des entreprises. Tout d’abord, nous avons constaté que les deux compagnies ont élaboré une stratégie semblable. Leur objectif est de raconter une histoire (ou de miser sur le storytelling, en anglais) et de cibler des projets précis plutôt que de « vendre » la compagnie au complet. Ainsi, au moment de solliciter l’appui d’une entreprise ou d’une fondation, elles visent à créer un lien avec les intérêts ou les objectifs de l’institution.
Dans le milieu de la philanthropie, il est plutôt habituel de retrouver une telle stratégie de marketing ciblé. Cependant, Le Clou et le Théâtre Geordie étant des organisations assez petites, le fait de tourner un regard approfondi sur un projet à la fois constitue une stratégie plutôt novatrice dans le milieu des arts.
Théâtre Geordie :
We had been trying to sell Geordie as a whole. But, I think we have to sell the parts. […] These are the eight things that we need to be funded so we can ask for help with them. […] We can look on their website, we can look at their mission, and then we can cater the ask to them and say, well, these three things make sense to us in terms of aligning with your priorities.
Historiquement, le Théâtre Geordie a principalement ciblé des fondations. Cependant, l’organisation a récemment commencé à tisser des liens avec des entreprises par le biais des membres de son conseil d’administration ainsi que d’un nouveau membre de son personnel qui se spécialise en philanthropie. Bien qu’il s’agisse encore pour le Théâtre Geordie d’une région inexplorée, Le Clou a toujours, pour sa part, entretenu des relations avec des entreprises. Dans le milieu du théâtre jeune public, la reconnaissance des entreprises n’est pas visible dans les communications visant les jeunes. Cependant, au théâtre Le Clou, le logo de chaque contributeur se trouve tout de même dans les infolettres et les programmes présentés lors des soirées grand public.
Pour ce qui est de l’établissement de relations philanthropiques avec les entreprises, le Théâtre Geordie a notamment bénéficié des services de consultation de Kim Fuller de l’organisation Phil. Par ailleurs, issus de communautés diverses, les DA du théâtre se sont mobilisés afin de mettre sur pied des projets axés sur la diversité culturelle ou l’autochtonie. Cette initiative s’est avérée attrayante pour les fondations sur le plan du financement.
Théâtre Geordie :
Led by our new Indigenous AD, we’re starting an Indigenous Growth Program, and [a foundation] might want to fund something for three years because they know us now and are attracted by the program.
Ainsi, pour obtenir le soutien financier d’institutions comme des entreprises ou des fondations, les deux organisations privilégient une approche centrée sur l’institution elle-même (ses projets, ses intérêts, ses objectifs…) plutôt que sur les particularités de leur propre compagnie de théâtre.
Les dons issus de relations de proximité
Malgré la dépendance à la philanthropie institutionnelle dans le domaine du théâtre de jeune public, il existe tout de même une certaine philanthropie de proximité entre les organisations et les individus. En effet, les théâtres Geordie et Le Clou ont chacun trouvé une façon de forger des relations de proximité avec des personnes en vue de gagner des donateurs.
1. Les artistes qui amorcent leur carrière
Tout d’abord, il arrive que des artistes ayant contribué aux créations et aux performances des théâtres soient amenés à appuyer la compagnie ultérieurement.
Théâtre Le Clou :
Parmi nos donateurs, il y a beaucoup de comédiens qui ont commencé leur carrière en jouant au Clou, qui étaient jeunes à ce moment-là, qui ont fait de la tournée, et pour qui ce sont vraiment des expériences marquantes. […] Ils ont commencé des carrières assez rayonnantes et ils ont envie de retourner au Clou.
Comme nous l’avons vu à la section 4, cette forme de philanthropie de proximité commence avec un soutien du talent tôt dans la carrière des artistes. De plus, les expériences vécues dans un contexte de théâtre jeune public débordent d’occasions d’explorer et de découvrir avec les jeunes, ce qui constitue une expérience transformatrice pour les artistes et qui les encourage à s’engager auprès de l’organisation en devenant eux-mêmes donateurs à l’avenir.
Dans le même ordre d’idées, le Théâtre Geordie a réalisé des campagnes de financement pour des projets précis en ciblant des proches qui sont principalement des artistes. Cependant, dans le contexte de la pandémie de COVID‑19, ces personnes étaient moins disposées à verser des dons qu’à l’habitude en raison de la pénurie de travail. Ainsi, on percevait les projets du Théâtre Geordie comme trop exigeants, et l’organisation touchait de moins en moins d’argent en conséquence.
Théâtre Geordie :
We’ve done it usually for a particular project. But we raised $4,056 of the $8,000 we needed for the last campaign, and we couldn’t get anymore. Part of our issue is that our community is also tapped out. None of them have deep pockets because none of them were working during the pandemic if they didn’t have a full-time job.
2. Les jeunes qui se rapprochent des organisations par le biais d’activités
Le jeune public des compagnies comme les théâtres Geordie et Le Clou finit par vieillir et cheminer vers des activités culturelles différentes, celles-ci pouvant être en lien avec des compagnies de théâtre institutionnelles. Cependant, à la manière des professionnels qui développent un désir de soutenir les organisations qui leur ont permis de vivre des expériences marquantes au début de leur carrière, les jeunes qui participent aux activités originales et engageantes des compagnies peuvent se transformer en donateurs. En effet, les activités qu’elles proposent permettent aux organisations de renforcer leurs relations avec les jeunes, puisque ces derniers gardent un souvenir précieux de leur vécu riche et passionnant. Grâce à cette initiative, certains jeunes et leurs parents sont appelés à apporter un soutien financier à l’organisation à l’avenir.
Théâtre Le Clou :
Je pense que le sentiment d’engagement et le sentiment d’appartenance viennent vraiment d’un évènement marquant. Puis là, c’est après, quand les gens sont sollicités à nouveau… il y a un côté d’amour pour ces gens-là, parce qu’on a été très marquants. Même si la relation n’est pas en continu, ça a été un moment très fort pour eux, donc il y a toujours un peu d’attention. Et [on peut] aller les rattraper à un autre moment.
Le Théâtre Geordie propose un camp d’été en théâtre à l’intention des jeunes. Dans ce contexte, l’organisation sollicite des dons afin de financer des bourses. En général, les jeunes qui participent au camp d’été en conservent un bon souvenir; ainsi, plus tard dans leur vie, certains d’entre eux deviennent des donateurs.
Le Théâtre Le Clou, pour sa part, offre un programme nommé Le Scriptarium (autrefois Les Zurbains), qui a pour but d’accompagner des jeunes dans la rédaction de textes théâtraux. Chaque année, le programme touche directement des centaines de jeunes, et l’organisation espère désormais rejoindre de nombreux étudiants et étudiantes, qui pourraient s’engager auprès de l’organisation a l’avenir, dans le cadre de leur vie professionnelle.
3. Les événements‑bénéfice :
Dans le passé, les théâtres Geordie et Le Clou ont mis sur pied divers évènements de collecte de fonds. Même s’ils étaient de natures différentes, ces évènements ont entraîné des résultats positifs pour les deux organisations. Cependant, en raison de l’envergure des efforts à déployer, les théâtres ont reculé et n’organisent que rarement des collectes de ce type aujourd’hui.
Au Théâtre Geordie, les membres du conseil d’administration et leurs collègues ont notamment performé sur scène une pièce créée spécialement pour eux. Cette expérience a alimenté chez eux un sentiment de proximité avec l’art du théâtre et, grâce au précieux souvenir qu’ils en ont tiré, certains membres du conseil versent encore des dons à l’organisation aujourd’hui.
De son côté, Le Clou a déterminé que bon nombre de personnes invitées à ses évènements achetaient un billet sans toutefois se déplacer pour assister au spectacle au bout du compte. Ainsi, l’organisation s’est efforcée de trouver une manière de mettre sur pied des évènements auxquels les personnes invitées allaient assurément assister. À l’heure actuelle, seuls les donateurs déjà bien établis assistent aux évènements dans le but de s’engager auprès de la compagnie. Pour cette raison, l’organisation veille également à inviter les membres de son personnel ainsi que les artistes actuellement affiliés au Théâtre afin de les remercier et d’enrichir l’ambiance pour tout le monde lors des évènements.
Théâtre Le Clou :
On a eu quand même des donateurs qui se sont déplacés, mais on a invité beaucoup de gens : des artistes du Clou, même des jeunes qui avaient participé pour le Scriptarium. Puis, on les a invités, puis on s’est dit : « Au niveau des résultats financiers, ça ne fera pas de différence, mais ça va faire une récompense pour les gens qui travaillent avec nous, puis l’occasion de se réunir et de passer un bon moment ». Donc, on l’a fait un peu plus dans cet esprit-là.
4. Le financement participatif :
Souvent, dans les arts, on perçoit les campagnes de financement participatif comme une manière efficace de trouver des donateurs individuels. Le Clou a décidé de mener une telle campagne au 20e anniversaire des « Zurbains », son projet original de rédaction de textes théâtraux avec les jeunes. Cette campagne lui a permis d’atteindre un niveau record de dons individuels. Par ailleurs, le projet de rédaction en soi a véritablement changé la culture philanthropique de l’organisation. En effet, grâce à lui, les membres du personnel – et même les deux DA actuels (qui étaient réticents de le faire au départ) – ont commencé à s’impliquer dans la philanthropie. En conséquence, la compagnie continue d’organiser des campagnes annuelles ciblant les artistes ainsi que les personnes qui étaient attirées par cette première campagne couronnée de succès.
Théâtre Le Clou :
Pour le financement participatif, c’était vraiment dans l’idée de… d’aller chercher des gens qui ne nous donneraient pas autrement. Donc là, on avait fait toute une liste de contreparties. Donc, il y avait des choses plus symboliques, et il y avait des choses plus tangibles. […] C’est une campagne de communication, là, qui est associée à des donations participatives. […] Ça nous demandait quand même de petits temps. Mais je pense que c’était vraiment pertinent dans le contexte de la fin du projet. Ça a, aussi, donné de bons résultats au niveau des dons d’individus. Je pense que c’est une des années où on est allés chercher le plus de dons des particuliers. […] Aussi, ça a donné un plus grand sentiment d’engagement dans l’équipe. Avant, j’avais l’impression que le financement privé, c’était l’affaire du CA et de l’administration. Puis, là, tout le monde a mis la main à la pâte; tout le monde s’est impliqué.
Ainsi, bien qu’elle ait nécessité beaucoup d’effort, la campagne en a valu la peine pour l’organisation : elle lui a permis de faire un pas de plus vers l’établissement d’une philanthropie de proximité.
5. Une campagne annuelle
Depuis quelques années, Le Théâtre Le Clou organise également une campagne annuelle dans le cadre de laquelle il envoie des communications ciblées aux 2 000 personnes figurant dans sa liste de donateurs potentiels.
Théâtre Le Clou :
On segmente et généralement on adapte le message en fonction du public. Donc, on sollicite les enseignants et les gens des milieux scolaires. On sollicite les anciens participants du Scriptarium et leurs parents. On va solliciter [les gens du] milieu artistique s’ils sont des comédiens et des concepteurs antérieurement affiliés avec nous. […] Ça inclut tout le monde avec qui on a des liens d’affaires; alors, on a des diffuseurs, aussi. Puis, on va s’assurer que les gens du CA vont faire un don. Puis, les gens des CA vont relayer dans leur réseau.
6. Des activités entrepreneuriales
Afin de bâtir des engagements philanthropiques durables, les deux compagnies de théâtre organisent également des activités innovantes en vue de trouver des personnes qui se passionnent pour leur mission. Ces activités leur permettent, entre autres, de repousser les limites de leur communauté de donateurs habituels.
Par exemple, une membre du conseil d’administration du Théâtre Geordie et son mari ont organisé leur propre évènement à leur domicile des Cantons de l’Est. De nouvelles personnes s’y sont présentées, et l’organisation est ainsi parvenue à trouver un point d’entrée dans de nouvelles entreprises et fondations.
Théâtre Geordie :
So, one of our board members lives with her husband in the Eastern Townships and she threw a fundraiser last June 21 for us and she raised $4,800. She just went to all of her neighbours, asked them if they would come. Tickets were $125. We got a $70 donation for each one of those tickets. And she had almost 70 people. She didn’t even have to break a sweat. Our AD went to that event and as a result, we are going to start building some long-term relationships from that event.
De son côté, l’équipe du Clou a organisé un encan. Ce dernier a attiré bon nombre de nouvelles personnes du milieu de l’enseignement qui ne connaissaient pas Le Clou auparavant. Malgré une planification minime et un résultat essentiellement attribuable au hasard, l’évènement a tout de même entraîné beaucoup de visibilité pour la compagnie. Par ailleurs, à la suite de l’encan, l’organisation a eu l’occasion de se rapprocher des quelques gagnants qui se sont présentés au bureau pour récupérer leur prix. En effet, ces personnes ont entretenu des conversations importantes avec les membres de la compagnie qui se trouvaient au bureau à ce moment.
Synthèse
Les stratégies des compagnies de théâtre Geordie et Le Clou nous permettent de découvrir une tout autre manière d’aborder la proximité avec l’art dans un contexte où le public est essentiellement constitué de jeunes : un contexte peu propice aux dons issus de relations de proximité. De leur côté, les compagnies institutionnelles tirent parti de la proximité avec le public de façon naturelle et systématique, puisque leur modèle d’affaires se fonde plutôt sur une programmation saisonnière et un système d’abonnements qui visent des adultes. Selon la philanthropie de proximité, le fait de rechercher des donateurs parmi les personnes qui sont proches de l’organisation demeure un principe de base. Cependant, cette approche se transforme lorsque l’organisation tire parti d’expériences marquantes hors salle afin d’attirer de nouveaux donateurs potentiels à long terme. Dans un tel contexte, la passion pour l’art et l’élargissement de la définition de « proximité » jettent les bases d’une relation philanthropique durable.
Emilie Champoux compte plusieurs années d’expérience en gestion, en administration et en communication. De 2012 à 2016, elle accompagne plusieurs compagnies de création en danse dans la gestion de leurs projets, dont Mayday, Grand Poney, Manon fait de la danse, Tentacle Tribe et plusieurs clients ponctuels, chez Diagramme Gestion culturelle. Ses expériences antérieures l’ont menée à CISM FM et à la Fondation du Musée de la civilisation où elle occupait les fonctions d’adjointe administrative et d’adjointe aux communications. Bachelière en communication (UQAM), elle détient également un diplôme d’études spécialisées en gestion d’organismes culturels de HEC Montréal. Depuis 2016, Emilie est directrice générale du Théâtre Le Clou, une compagnie de création dirigée vers le public adolescent.
Kathryn Westoll, originally from Toronto, is the Executive Director of Geordie Productions. She was the Managing Director of the Toronto Fringe Festival for three years and spent the first 13 years of her career as a stage manager. She stage managed over 70 productions and worked for Tarragon Theatre, Young People’s Theatre, Factory Theatre, Canadian Stage Theatre and Nightswimming to name a few. Kathryn is on the board of PACT (Professional Association of Canadian Theatre) as the HR Committee Chair, was Treasurer on the board of IPAY (International Association of Performing Arts for Youth) for three years, was a member of the Montreal English Theatre Awards Committee (METAC) for three years and served six years on the Quebec Drama Federation’s board.
Kathryn has an honours degree from Queen’s University and is a graduate of the National Theatre School of Canada’s (NTS) Production Program and now teaches and mentors in the areas of stage management, Fringe Festival and TYA (Theatre for Young Audiences) touring to the Production Students at NTS.
Johnson, J.W. & Ellis, B (2011). The influence of messages and benefits on donors attributed motivations: Findings of a study of 14 American performing arts presenters. International Journal of Arts Management, 13(2), 4-15.
Lee, Hyunjung, Kyoungnam Ha, Youngseon Kim (2022). The relationships between marketing and fundraising for arts and cultural organizations. The Oxford Handbook of Arts and Cultural Management (editors: Jung, Yuha, Neville Vacaria, et Marilena Vecco).
Reid, Wendy (2020). Repenser la philanthropie culturelle à Montréal : Les relations et la communauté. Conseil des arts de Montréal.