Conversation avec Eva Becmeur (Théâtre du Rideau Vert), Véronic Larochelle (Théâtre du Trident), et Haleema Mini (Théâtre Centaur) animée par Wendy Reid (HEC Montréal)
Introduction
La philanthropie de proximité fait partie intégrante de la philanthropie culturelle. Il s’agit d’une composante très efficace pour les compagnies de théâtre qui sont en mesure d’identifier leur clientèle régulière grâce à la vente d’abonnements (Reid, 2020). En outre, le fait d’entretenir des conversations avec les membres du public au sujet de la philanthropie pendant qu’ils font eux-mêmes l’expérience de la mission d’une organisation est une façon très significative de soutenir et d’alimenter la culture philanthropique (Lee et coll., 2022; Johnson et Ellis, 2011; Johnson et Gabarino, 1999).
À l’interne, les experts et les expertes de la communication et du marketing jouent un rôle essentiel dans l’attraction de nouveaux publics. Par ailleurs, le marketing relationnel dont ils tirent parti a pour effet d’approfondir l’engagement du public envers l’organisation. Ces activités correspondent aux trois premières phases du cycle du donateur-philanthrope (rechercher, identifier et cultiver) (Lapointe, 2020). À ce stade, les membres d’une organisation qui se spécialisent en philanthropie ont la capacité de faire évoluer et de diversifier la relation entre l’organisation et le public afin qu’elle se transforme en engagement philanthropique (Reid, 2022). Le schéma ci‑dessous illustre ce phénomène en rapprochant les principes de relation de proximité, de marketing relationnel et de philanthropie :
À l’heure actuelle, une culture philanthropique ne s’est pas encore solidement formée dans la communauté artistique au Québec. Cependant, on peut en observer les premières traces, car un changement commence à s’opérer lentement. En tête de la création d’une telle culture se trouvent les grandes institutions ayant la possibilité d’entretenir des relations de proximité avec leur public, soit les compagnies de théâtre institutionnelles, qui se font nombreuses au Québec. La concrétisation d’une culture philanthropique dans le milieu québécois exige un engagement direct de ces institutions. Ainsi, lorsque ces dernières ont envisagé de se réunir pour former un groupe d’apprentissage par les pairs axé sur la philanthropie, le Conseil des arts de Montréal (CAM) s’est avéré enclin à soutenir leur approche collective.
Le regroupement Un acte pour le théâtre
Au début de l’année 2020, le Théâtre du Rideau Vert a mis en œuvre la création d’un regroupement de théâtres institutionnels québécois. Ils l’ont appelé : Regroupement Un acte pour le théâtre et ont bénéficié d’un soutien précoce de la Fondation J. Armand Bombardier. À l’origine, ce regroupement avait pour objectif de favoriser un apprentissage de la philanthropie en offrant de la formation spécialisée et en donnant lieu à des échanges sur les expériences des membres. Chaque compagnie de théâtre est représentée par son (sa) directeur(trice) général(e) ou par la personne se spécialisant en philanthropie au sein de l’organisation. Dans chaque compagnie, l’engagement de ce (cette) spécialiste s’est tranquillement accru depuis la création du regroupement.
Wendy Reid a entretenu une conversation avec trois membres du comité organisateur d’Un acte pour le théâtre, soit Eva Becmeur (Théâtre du Rideau Vert), Véronic Larochelle (Théâtre du Trident) et Haleema Mini (Théâtre Centaur), dans le but d’explorer leur approche collective d’apprentissage par les pairs de la philanthropie.
Le fonctionnement du regroupement
Les participantes à l’entrevue décrivent leur approche comme suit :
On a voulu se donner les moyens d’intervenir sur le don des particuliers et de façon collective. Donc, on regroupait les compagnies institutionnelles qui présentent des saisons offertes en abonnement à Montréal et à Québec.
L’accès à des formations [et] le partage d’information, au départ, pourraient être vus comme une certaine [source de] concurrence, mais je pense que tout le monde y voit tellement les bienfaits, les apports… […] Il n’y en a plus de compétition, mais bien une coopération qui s’installe, parce que c’est un souhait de tous, là, d’augmenter le nombre de donateurs.
Dans nos organisations, on a l’impression d’être les seuls à vivre la philanthropie, mais quand il y en a plusieurs qui l’abordent… ça normalise nos expériences. On ne part pas de zéro. On peut souvent partir d’un canevas.
C’est, ultimement, pour aider toutes les organisations culturelles – et peut-être même les plus petites que nous – à naviguer avec la philanthropie. Donc, on contribue pour nous, mais à plus grande échelle aussi. Donc, c’est là où on se dit : « Oui, il y a un impact effectivement ».
- Les membres
Au départ, le regroupement se constituait de douze compagnies de théâtre institutionnelles de Montréal et de Québec. Aujourd’hui, il compte dix‑neuf théâtres membres :
Au début, [il y avait] le Centre du Théâtre d’Aujourd’hui, Duceppe, l’ESPACE GO, le Théâtre Centaur, le Théâtre de Quat’Sous, le Théâtre Denise-Pelletier, le Théâtre du Nouveau Monde, le Théâtre du Rideau Vert, le Théâtre du Trident, le Théâtre La Bordée, le Théâtre La Licorne, et le Théâtre Prospero. Puis, on a ajouté le Théâtre jeunesse Les Gros Becs, Le Périscope, Premier Acte, Les Écuries, Espace Libre, La Maison Théâtre et le Centre Segal.
- La gestion
Au fil de son expansion, il est devenu nécessaire pour le regroupement de se structurer. Pour cela, le comité a défini des critères ou prérequis auxquels les institutions théâtrales souhaitant se joindre au regroupement devaient répondre. Certains théâtres ont été invités à se joindre au regroupement, et d’autres sont venus d’eux-mêmes. Le regroupement se gère avec prudence, mais pas sans enthousiasme.
Les membres sont des institutions théâtrales (producteurs et/ou diffuseurs).
Le regroupement se réunit sur une base mensuelle (de septembre à juin). Il organise six à huit ateliers par saison. C’est le Centre du Théâtre d’Aujourd’hui qui assure la coordination.
Le regroupement a été créé grâce à l’apport de la Fondation J. Armand Bombardier, et l’initiative reçoit un appui du Conseil des arts de Montréal.
- Les objectifs
Stimuler l’échange d’information par la formation sur le don des particuliers et le partage des meilleures pratiques dans les administrations des théâtres.
Mettre en place un argumentaire collectif et développer des outils de communication afin de faire valoir les avantages du don en culture.
Sensibiliser les abonnés et la population en général au don en mettant de l’avant les avantages d’un don en culture et plus particulièrement au théâtre.
- Réflexion sur l’intégration de nouveaux membres :
En raison de la présence publique grandissante du regroupement (représentation auprès du ministère de la Culture et des Communications, article dans Le Devoir, mention au Conseil québécois du théâtre…), l’initiative soulève l’intérêt de recruter des théâtres additionnels. Il devient donc primordial de définir certaines règles d’encadrement.
- Les règles régissant l’adhésion au regroupement
Les théâtres membres doivent offrir un abonnement saisonnier en plus de présenter exclusivement des projets théâtraux (sans nécessairement être producteurs).
Chaque théâtre participant doit identifier un seul représentant afin de limiter le nombre d’intervenants aux rencontres.
Une contribution annuelle de 200 $ est demandée pour l’adhésion au regroupement (pour la période du 1er juillet au 30 juin).
- L’organisation du regroupement selon les participantes à l’entrevue
Il y a toujours un comité. On a une coordination, qui est aujourd’hui pilotée par le Théâtre d’Aujourd’hui. Donc, c’est le Théâtre d’Aujourd’hui qui reçoit la subvention du CAM et qui coordonne toute la gestion du regroupement. Ensuite de ça, on a un comité qui regroupe cinq théâtres. Les rencontres du comité se font une fois à chaque deux semaines, et les rencontres en grand groupe se font une fois par mois.
On alterne pour les rencontres en grand groupe. Un mois, ça va être une rencontre collégiale avec les dix-neuf membres, mais c’est juste nous, les théâtres. Et, le mois suivant, ça va être un atelier de formation avec un intervenant qui va nous présenter un domaine particulier du don des particuliers, puis qui va répondre spécifiquement aux questions qu’on se pose.
C’est assez structuré, normalement, parce qu’on a toujours un ordre du jour. Mais ça reste quand même assez informel, la façon qu’on se parle. Et on partage beaucoup, surtout pendant la pandémie : on a partagé beaucoup nos inquiétudes, des enjeux que nous avions.
On choisit les thèmes, on les propose au grand groupe, puis on définit vraiment les questions spécifiques, le sujet, le déroulé, et les intervenants ciblés. On a approché les intervenants de cette façon en leur disant, bien : « Voilà, on a telle thématique, on voudrait aborder telle et telle question ». Puis, généralement, on n’a jamais de refus, parce qu’ils sont convaincus par le regroupement, puis l’intérêt, et puis les questions. On arrive à fournir des ateliers de formation sur mesure, et c’est ça qui est aussi un plus pour le regroupement.
Le fait de refaire un retour sur l’atelier précédent, souvent, précise les intentions pour la suite ou soulève des enjeux différents qui pourraient être abordés dans l’année, donc, qui ajustent un peu les prochains ateliers.
On a une boîte à outils qu’on gère : les enregistrements des formations, les supports qu’on nous a donnés dans les formations. Il y a aussi tous les documents, les comptes rendus de réunions ainsi que toutes les études spécifiques, analyses ou articles de presse en philanthropie qui paraissent… on a tout à un seul endroit – les actions qu’on a mises en place dans nos théâtres pour donner suite à la campagne annuelle Un acte pour le théâtre.
Dans la boîte à outils, on met à un seul endroit ceux qui ont mis en place des actions. Puis, tous les dix-neuf théâtres ont accès. Donc, on peut aller rechercher de l’information; on peut les utiliser.
La culture du regroupement
Les participantes à l’entrevue définissent la culture du regroupement dans les termes suivants :
C’est un endroit sécuritaire où on peut s’exprimer librement. On n’est pas en train de se juger les uns les autres; on est véritablement en train de s’aider et de se conseiller et de se soutenir dans le cadre de ce groupe.
On a eu des commentaires qui étaient extraordinaires. Puis, ce que certains ont dit, bien voilà, c’est : « Les formations qu’on a par l’intermédiaire du regroupement; c’est d’une valeur inestimable. C’est tellement riche. On n’a pas accès à tout ça par un autre moyen. » Donc, ça, c’est vraiment super, parce qu’on dit : « Wow, ça veut dire que le regroupement, il a tout son sens. » Les gens sont contents d’appartenir au regroupement. Ça donne à la fois un sentiment d’appartenance, mais un sentiment aussi de savoir qu’on n’est pas tous seuls, parce qu’on est souvent tout seuls dans notre organisation à gérer cet aspect-là.
Donc, par exemple, sur une des dernières réunions, deux de nos membres ont parlé spécifiquement du don d’actions : « Bien, voilà comment ça se passe. Voilà ce qu’on fait. Voilà nos formulaires. » On a montré des exemples de ce qu’on avait ou ce qu’on mettait sur nos sites pour nos donateurs. Et, pour dire que : « Voilà comment nous on procède. Il y a différentes façons de faire. Vous pouvez faire comme ceci, comme cela. » Mais, au moins, il y a une ligne directrice qui est donnée, pour que ça puisse être utile à tout le monde.
Il y a une expertise dans le groupe. Il y en a qui sont très forts en évènements, d’autres, très forts des dons individuels, d’autres très forts de leur « corpo ». Donc, ça nous permet de savoir, effectivement, la bonne personne à rejoindre, mais aussi peut-être la force dans l’organisation pour répondre à nos questions.
La réalisation des apprentissages
Selon les participantes à l’entrevue, les apprentissages se réalisent des manières suivantes au sein du regroupement :
Au quotidien, c’est de petites actions qui changent avec les formations qu’on a eues. Par exemple, ça nous a permis de rapidement mettre en place un programme de reconnaissance, la base de données, valider l’émission des reçus, s’assurer que tout est bien fait.
Le fait d’avoir plusieurs outils à mettre en place avec une base de données et de pouvoir les adapter, puis voir la relation qu’on a avec chaque typologie de donateurs – qu’ils soient petits ou grands, qu’ils soient ponctuels ou récurrents – tout ça, c’est… c’est vraiment important et ça nous donne, voilà, un éventail de possibilités, et puis l’assurance de pouvoir tester ces choses-là, parce qu’on sait qu’on n’est pas tous seuls.
Par exemple, on a eu un legs – c’est un don par actions – c’est la première fois que ça arrive. Donc, c’est de pouvoir avoir une référence, puis de faire : « OK, bien dans tel, tel théâtre, ils l’ont eu. » Je prends le téléphone, je peux savoir déjà comment faire, qui aborder. C’est vraiment un groupe de référence quand il y a des demandes spécifiques.
D’être à jour sur ce qui se fait aussi dans d’autres milieux, ce qui est utilisé, les bons coups comme les mauvais coups, les précautions à prendre. D’autres ont expérimenté et éprouvé certaines pratiques, puis on se dit : « Bien, tiens, on peut aussi les tester, puis ça peut marcher pour nous aussi ».
Une campagne collective
Les participantes à l’entrevue ont contribué à la création d’une campagne de financement nommée en l’honneur du regroupement, soit « Un acte pour le théâtre ». Cette campagne était ancrée dans les valeurs de la philanthropie. Wendy Reid a demandé aux participantes quelle était leur impression concernant le fonctionnement et la réussite de la campagne. Elles ont répondu :
Cette campagne a pu être menée grâce à une contribution financière du ministère de la Culture et des Communications. Les membres du comité ont travaillé avec une agence externe pour définir un visuel et une signature commune. On a lancé ça entre mai et décembre 2022. Donc, chaque théâtre a pu initier des premières actions sous l’égide « Un acte pour le théâtre » pour sensibiliser les potentiels donateurs individuels. Les valeurs philanthropiques faisaient parties du graphique : solidarité, fierté, croissance, amour, confiance et beauté. On a mené ça auprès de nos spectateurs et abonnés pour leur souligner l’importance de donner au théâtre en général, et à leur théâtre en particulier.
La campagne, elle s’est étalée en moyenne sur une durée d’un à trois mois, et on a utilisé tous moyens de communication. Il n’y avait pas de limite. Chacun choisissait ce qu’il voulait. Donc, on a pu utiliser notre site Internet, une infolettre, des envois postaux, les médias sociaux, une brochure ou une carte de type flyer. On a choisi chacun ce qui nous semblait le plus adapté à la cible et à la campagne qu’on voulait mener.
Alors, cette campagne, elle s’est faite sous différentes formes, et tout le monde ne l’a pas nécessairement suivie juste. Un tiers des théâtres ont mené la campagne collective, et parmi ces théâtres, 25 % ont commencé leurs actions tout de suite au printemps.
Exemple 1 (Théâtre du Rideau Vert) :
Au Théâtre du Rideau Vert, [la campagne] a été fait[e] exclusivement auprès de tous les abonnés de la saison qui démarrait. En fait, j’ai fait un courrier papier en couleur, avec le logo « Un acte pour le théâtre » associé au logo du Rideau Vert, avec des photos et un texte explicatif pour leur dire : « Bien, voilà tout ce qu’on fait en marge de la saison régulière. Puis, vos dons, ils vont servir pour nous aider à financer les activités qui sont en marge de la saison régulière ». Puis, il y avait un petit papier pour répondre, et puis on pouvait donner soit en ligne soit en renvoyant le coupon. C’était à l’automne.
Ça parle au cœur des donateurs. Enfin, moi j’ai ressenti les retours. Puis, le fait d’avoir mené une campagne papier – c’était de voir aussi si ça fonctionnait avec du papier – j’ai vu tous les petits retours. Les gens collaient les petites étiquettes avec leur nom, prénom, qu’ils avaient eues avec le don à un autre organisme. Puis, ils mettaient des petites décorations.
Exemple 2 (Théâtre du Trident) :
Au Trident, on a utilisé [la campagne] sur le temps, parce qu’au printemps 2022, la Bordée l’a utilisée. On a préféré attendre pour éviter la confusion. Nous, on l’a plutôt utilisée en janvier 2023.
Il y avait de la belle difficulté aussi de l’adapter selon nos couleurs. Puis, il y a l’infolettre à nos acheteurs de billets, en misant sur des activités complémentaires; bien, en fait, les différents publics qu’on rejoignait, autres que le grand public : les Étincelles, les plus jeunes, les matinées qui sont faites dans le milieu scolaire, toutes les activités de dialogue, d’échange avec le public.
Exemple 3 (Théâtre Centaur) :
Les matériels étaient dans deux langues. Donc, au Centaur, on l’utilise encore. C’était devenu notre thème pour l’année, pour la campagne de financement annuelle.
- L’évaluation du succès de la campagne collective selon les participantes
Ça marche très bien, mais je suis d’accord que l’impact visuel n’était pas très fort, parce que c’était un petit peu comme « fond neutre », parce qu’on voulait que tout le monde [puisse] l’utiliser. Donc, finalement, personne n’a beaucoup trop aimé.
Nous avons fait un sondage par la suite à tout le monde – autant ceux qui l’avaient utilisée que non – pour mieux comprendre pourquoi elle n’avait pas été utilisée, puis peut-être ce qui pouvait être ajouté. Ce qui est ressorti : peut-être qu’une période dans l’année où tout le monde met de l’action de l’avant, c’était préférable, parce que […] ça vient fonctionner dans le sens où c’est un beau nom, les gens adhèrent à ce regroupement-là, mais il y avait une confusion au départ, [par rapport à] si tu faisais un don au regroupement ou au théâtre en soi.
Le développement d’une culture philanthropique
Wendy Reid a demandé aux participantes si, selon elles, la culture philanthropique dans les arts au Québec était en changement et, le cas échéant, quelles en étaient les preuves. Elles ont exprimé :
On voit de plus en plus les conversations sur la philanthropie dans le milieu. Culture Montréal a fait quelque chose sur la philanthropie récemment. La Fondation Bombardier a fait quelque chose avec la culture. Il y a aussi les Conversations philanthropiques en culture. Je trouve qu’en général, il y a de plus en plus une conversation là-dessus. Il y a de plus en plus de partage.
Au Trident, on savait qu’on avait des donateurs. On savait qu’on avait un public qui est, du moins, attaché, puis fidèle. Mais, la campagne de billet solidaire (de transformer leur billet en don, de ne pas demander de remboursement) a été une preuve d’amour supplémentaire. [On s’est demandé :] « Comment les garder? », « Comment ce geste-là, qui était unique, pourrait être récurrent d’année en année? » – parce que c’est des gens qui sont plutôt à l’aise financièrement, qui ont un attachement, qui pourraient s’abonner à l’aveugle, qui étaient là même quand il y a eu des reports de spectacles.
Donc, c’était là où le regroupement m’a aidée. C’était de miser sur cette première habitude qui avait été créée là, puis de la rendre plus récurrente par des nouvelles initiatives, dans un programme de reconnaissance, ou peut-être par une communication différente, où on misait sur des impacts que ça a eu d’avoir donné à ce moment-là. Puis, qu’est-ce que ça pourrait aussi donner comme impact de poursuivre un don supplémentaire. Puis, on le voit dans le renouvellement des abonnements aussi : c’est là où le taux de don est récurrent. Fait que, je pense que [le regroupement] a été bénéfique à plus long terme.
Nous avons fait une soirée donateurs-employés avec les membres du CA. J’avoue que ça a créé un attachement différent. Autant qu’il y a eu plus de dons auprès des employés, il y a aussi plus d’implication. Mes collègues voulaient savoir le montant où on était rendus. Il y en a qui m’attendaient, des fois, avec une lettre avant de l’ouvrir, ou on avait eu un montant par courriel, puis ils attendaient que j’ouvre mon courriel pour le voir [rires]. Fait qu’il y a eu une belle mobilisation. Puis, à mon bilan au conseil d’administration, bien, on leur racontait les histoires, ça fait bouger…
Par la suite, Wendy Reid a demandé aux participantes si elles avaient constaté un apprentissage de la philanthropie et de sa signification parmi les donateurs. À cet égard, elles ont précisé :
C’est souvent des donateurs actuels, qui sont flattés de savoir qu’on fait partie d’un regroupement, qu’on partage l’information. Ça donne une certaine crédibilité au fait d’avoir un réseau de donateurs
Suite à l’atelier sur « Comment convertir les acheteurs de billet [en] donateurs », on a commencé à demander les dons; les petits dons – dix dollars – quand les gens achètent les billets, et on voit qu’il y a beaucoup, beaucoup de donateurs qui donnent pour la première fois au Centaur, qui achetaient pendant des années, mais qui n’ont jamais fait les dons même s’ils étaient demandés. C’est commencé au mois de novembre, et maintenant on est rendus à 8 000 $, mais avec beaucoup de donateurs, genre, quasiment deux cents [rires]. Donc, ça vous dit que les dons sont assez petits, mais…
Nos spectateurs, en général, avaient l’impression que quand on demandait un don, c’était un don important, là, [qu’]on parlait de 1 000 $ ou plus minimum. Donc, de suggérer un 10 $ (c’est la dernière question à l’achat de billet) […] puis, effectivement, c’est le bassin de donateurs qui s’élargit à ce moment-là. Ils constatent que finalement ils peuvent donner. Peut-être qu’ils ont donné ailleurs, ou ils vont donner au renouvellement, parce qu’effectivement, chaque don est considéré. Puis, après ça, il y a des stratégies de croissance qui peuvent s’appliquer, mais c’est ça. C’est précieux juste d’enlever cette perception de la philanthropie. On est dans du 20 000 donateurs, maintenant. [On voit] qu’on peut donner des petits montants et que ça peut faire une différence.
Cela dit, nous pouvons en conclure que les diverses approches qu’adoptent les théâtres membres du regroupement Un acte pour le théâtre ont pour effet de démocratiser la philanthropie.
Résumé
Étape par étape, les membres du public découvrent les valeurs de la philanthropie et apprennent comment s’engager auprès des organisations au titre de philanthropes. De plus, on observe que les membres des organisations s’engagent eux-mêmes de plus en plus dans le processus. Ainsi, la philanthropie devient partie intégrante de la conscience et de la culture, autant au sein des organisations que du public.
Eva Becmeur (Théâtre Rideau Vert)
Eva Becmeur est responsable de la philanthropie et du financement privé pour le Théâtre du Rideau Vert. Diplômée d’écoles supérieures de commerce à Paris et à Londres, elle a évolué sur diverses fonctions en communication, marketing, gestion de la relation client, analyse stratégique, développement de partenariats et philanthropie ; d’abord dans le monde corporatif, elle se dédie aujourd’hui exclusivement au domaine des arts.
Véronic Larochelle (Le Théâtre Trident)
Titulaire d’un baccalauréat de l’Université Laval à Québec en communications – profil relations publiques, Véronic Larochelle est directrice du développement philanthropique et des partenariats du Théâtre du Trident depuis 2022. Passionnée de théâtre, elle a commencé sa carrière comme chargé de projets au Grand Théâtre de Québec. C’est en 2008 qu’elle débute au Théâtre du Trident en tant qu’adjointe aux communications. Dès l’année suivante, elle prend en charge l’organisation de l’activité-bénéfice et c’est en 2010 qu’elle devient la directrice des communications de cette même institution, poste qu’elle occupera pendant 10 ans.
Haleema Mini (Théâtre Centaur)
Née en Thailande, Haleema nourrit une passion pour la culture depuis sa jeunesse. Détentrice d’un Baccalauréat en Littérature anglaise de l’Université Chulalongkorn en Thailande, elle obtient une Maîtrise en Historical Administration de l’Université Eastern Illinois aux États-Unis. Ce programme prépare les diplômés à travailler dans le milieu muséal et culturel.
Haleema travaille dans le milieu culturel depuis plus de 20 ans aux États-Unis et au Canada. Aux États-Unis, elle était responsable des collections de plusieurs musées. À Montréal, Haleema a travaillé au développement et à la recherche de financement au Musée McCord et dans plusieurs théâtres. Présentement, elle est la directrice du développement du Théâtre Centaur.
Haleema s’implique régulièrement dans des activités d’échange et de promotion de la culture. Actuellement, elle siège au Conseil d’administration de Culture Montréal, organisme qui a pour but de favoriser l’accès à la culture pour tous les citoyens, mobiliser les leaders autour du rôle fondamental de la culture et contribuer au positionnement de Montréal comme métropole culturelle. Elle fait partie du Comité de travail du Regroupement Un acte pour le théâtre, une initiative de 18 théâtres qui sensibilise la population à faire des dons aux théâtres. Elle est aussi animatrice du Peer to Peer, un forum d’échange parmi des professionnels du financement, pour le PACT (Professional Association of Canadian Theatres).
Cet article fait partie de l’édition spéciale de Septembre 2023: Philanthropie et les Arts. Vous pouvez trouver plus d’informations ici.
Johnson, J.W. & Ellis, B (2011). The influence of messages and benefits on donors attributed motivations: Findings of a study of 14 American performing arts presenters. International Journal of Arts Management, 13(2), 4-15
Johnson, M.S. & Garbarino, E. (1999). Customers of performing arts organizations: Are subscribers different from non-subscribers? International Journal of Nonprofit and Voluntary Sector Marketing, 6(1), 61-77
Lee, Hyunjung, Kyoungnam Ha, Youngseon Kim (2022). The relationships between marketing and fundraising for arts and cultural organizations. The Oxford Handbook of Arts and Cultural Management (editors: Jung, Yuha, Neville Vacaria, et Marilena Vecco).
Reid, Wendy (2020). Repenser la philanthropie culturelle à Montréal : Les relations et la communauté. Conseil des arts de Montréal.
Reid, Wendy (2022). La philanthropie culturelle: Créer une communauté de donateur.rice.s. Colloque : Philanthropie culturelle : quelles ambitions pour le Québec ? Culture Montréal et Pole de gestion des arts à HEC Montréal. https://www.youtube.com/playlist?list=PLPfwZUlCiDXfA4RwIAiUoWbXq02X2bV2w